samedi 18 février 2012

The Walking Dead



Avertissement : afin de mieux illustrer mon raisonnement, il me faut dévoiler dans cet article de nombreuses informations, qu’elles concernent le comic ou la série télévisée. Qu’on me pardonne, et qu’on se méfie : spoilers inside !
Pour ceux qui auraient réussi à échapper à la horde, voici résumée en quelques mots l’intrigue de Walking Dead : Rick Grimes, shérif grièvement blessé dans l’exercice de ses fonctions, se réveille d’un profond coma dans une chambre d’hôpital… et découvre un monde peuplé de zombies. Il se met aussitôt à la recherche de sa femme et de son fils, persuadé qu’ils sont encore vivants et ont réussi à fuir.
Tout l’intérêt de la série, on le comprend très vite, n’est pas dans ce début sauvagement plagié sur Vingt-huit jours plus tard, le film de Danny Boyle, mais sur ce qui suit ce bref incipit. En créant son comic, Charlie Adlard avait pour but de suivre un groupe de survivants confronté à cette récente apocalypse, et aux mécanismes psychologiques nécessaires à cette survie, dans un monde radicalement bouleversé où l’on n’est plus sûr de rien. Les héros de Walking Dead constituent la génération « 0 » d’une ère nouvelle, et se détachent à chaque aventure un peu plus des anciens modèles de leur défunte civilisation, des valeurs humanistes qu’ils avaient jadis toujours jugées immuables, dans le seul but de prolonger leur existence précaire face à ce terrifiant ennemi.
Dans la bande dessinée créée par Charlie Adlard et Robert Kirkman (14 volumes disponibles en France à ce jour, le 15e étant prévu pour le mois prochain), le principe fonctionne, et donne lieu à de belles surprises scénaristiques et de fort intéressantes interrogations sur la condition humaine. A condition de survivre au premier tome, d’une agaçante banalité, on peut vite devenir accro aux pérégrinations de cette compagnie à géométrie variable (mieux vaut ne pas trop s’attacher aux personnages…), à la recherche désespérée d’un lieu où elle pourrait enfin faire souche, se protéger des « rôdeurs », et planter les graines d’une autre société. Ce noble projet, inévitablement mis en déroute à maintes reprises, non seulement par les mort-vivants mais aussi par d’autres groupes humains pas toujours amicaux, justifie-t-il l’abandon de toute moralité ? S’ils atteignent leur but, leur restera-t-il seulement quelque chose à reconstruire ? Toute l’intrigue repose sur ces quelques questions. Monologues existentiels sur graphismes horrifiques mis en valeur par le noir et blanc, situations cornéliennes et scènes d’actions haletantes, voilà le cocktail qui a emporté l’adhésion d’une foule de lecteurs, aux Etats-Unis comme en France.
Il était donc logique de voir bientôt apparaître sur nos petits écrans une série adaptée du comic, et j’avoue avoir ressenti, comme de nombreux autres fans, une certaine impatience à l’idée d’en découvrir les premières images. Développé en 2009, initialement pour la chaîne NBC, le projet est finalement adopté par AMCTV, chaîne câblée américaine créée en 1984 et productrice des excellents Mad Men et Breaking Bad. Charlie Adlard reste aux commandes du scénario et s’associe avec Frank Darabont, réalisateur des Evadés et de La Ligne verte. Après un suspense longuement entretenu, la production révèle l’identité de l’acteur qui jouera Rick Grimes : il s’agit d’Andrew Lincoln, un acteur assez peu connu du public français (en dehors de son rôle dans L’Arnacoeur). Le reste de la distribution colle plutôt bien aux personnages papier, et les premières photographies de tournage sont à couper le souffle : zombies ultra-réalistes, univers en déréliction, cadavres pourrissant au soleil, les amateurs du genre se frottent les mains.
Les premiers épisodes (diffusés en 2009 aux Etats-Unis, en 2010 pour la France) sont rien moins que prometteurs : la mise en couleur d’un univers à l’origine en noir et blanc participe à la grande réussite des effets spéciaux. L’introduction est assez fidèle à la création d’Adlard et Kirkman (certains acteurs affichent une ressemblance confondante avec les personnages de la bande-dessinée). Ce n’est pas forcément un gage de qualité, mais en l’occurrence, le choix s’avère efficace et emporte l’adhésion des fans du comic. Et la mienne, par la même occasion.
Malheureusement, à partir de la fin de la première saison, mon enthousiasme va se muer très vite en perplexité. Que les scénaristes prennent de plus en plus de liberté avec l’œuvre originale n’est pas critiquable : le seul fait de changer de support (du papier à l’écran) nécessite de nombreux aménagements dans la narration, et l’adaptation d’une œuvre préexistante doit être considérée comme une création nouvelle et indépendante.
Dans le cas qui nous occupe, il y a d’ailleurs une volonté délibérée de la part des créateurs de la série de conserver les mécanismes les plus essentiels de la version dessinée : les libertés prises dans ce cadre ne le sont que pour mieux exprimer ce qui était originellement au cœur de la BD. Ainsi le personnage de Shane, meilleur ami du héros et élément perturbateur dans le couple que Rick Grimes forme avec Lori, son épouse, est-il ici emblématique de la confrontation de tout un système de valeurs (d’autant plus manichéen que Shane faisait partie des forces de l’ordre) à la nouvelle donne d’un monde aujourd’hui sauvage et impitoyable. Les changements qui s’opèrent dans la psychologie du personnage, pour radicaux qu’ils soient, ne manquent pas d’intérêt. Le seul problème réside en l’occurrence dans le fait que ces bouleversements concernaient, dans l’œuvre originale, non seulement le personnage principal, mais également son fils. Shane est en effet assassiné par le fils de Rick à la fin du second tome : il est la cause d’un traumatisme fondateur dans le fonctionnement du couple père-fils, dont les conséquences ne cesseront de se multiplier au cours des tomes suivants. Dans la série télévisée, il n’en est évidemment pas question, puisque le personnage de Shane est conservé. C’est en lui que se livrent les batailles les plus obscures, et sur ses épaules repose la responsabilité des décisions les plus cruelles, les plus éloignées de toute réflexion humaniste, prises cependant dans l’intérêt du groupe, au-delà de toute autre considération.
Que soient transposés sur un personnage secondaire des errances et des questionnements attribués au départ au rôle-titre ne serait pas si dérangeant s’il ne s’agissait pas là d’une étrange entreprise de béatification du héros : Rick Grimes est gentil, courageux, généreux, responsable, à la fois réfléchi et passionné. C’était également le cas dans la bande dessinée, mais toute la vertu du comic était justement de déconstruire, brique après brique, cette image idéale du héros américain. Sur le petit écran, rien ne vient contredire l’idée que nous nous faisons de Rick : un homme parfait, luttant pour conserver son humanité.
Dans la série télévisée, Shane est filmé de telle sorte que nous apparaisse à de maintes reprises le combat intérieur qui l’anime, puis la victoire progressive de ses côtés les plus sombres : au cours de la seconde saison (du moins ce que nous avons pu en voir en France), tout est fait pour nous montrer que Shane, dévoré par la jalousie et abandonnant les unes après les autres ses nobles visions, est en passe de devenir l’un des « méchants » de la série. Il apparaît comme le cygne noir du héros, celui-ci étant en conséquence exempté de tout paradoxe. Un choix radical, peut-être opéré pour le bien de la narration, mais qui enlève toute subtilité aux personnages les plus importants de la série (dessinée ou filmée) : le héros et son fils.
Quelles intrigues sont alors encore accessibles à ces deux personnages ? Les plus mélodramatiques, hélas… Carl blessé gît interminablement sur son lit de souffrance, Rick n’en finit pas de réconforter sa pauvre épouse constamment au bord de la crise nerfs, va et vient entre les différents personnages comme un politicien en campagne, tente vainement de ramener Shane à de meilleurs sentiments, pleure, prie, interroge Dieu, mais reste, en toute chose parfaitement irréprochable… devenant ainsi l’un des personnages les plus ennuyeux et agaçants de la série (la palme revenant à Lori, sa femme, deuxième plus grande consommatrice de Kleenex après les Etats-Unis). Tandis qu’à l’abri des regards indiscrets, Shane le démoniaque apprend le Necronomicon en se gravant des pentacles à même la peau… j’exagère à peine !
On pourrait également regretter l’absence de deux personnages qui illustraient, dans la bande dessinée, le thème essentiel de la fin de l’innocence : les jumeaux Ben et Billy, deux garçons orphelins que Dale et Andrea prennent sous leur aile. Que leur terrifiante histoire ne soit pas représentée dans la version télévisée démontre encore une volonté de distinguer soigneusement le bien du mal, dans un monde où une telle dichotomie perd très vite tout son sens…
Les créateurs de la série ayant décidé d’exploiter au maximum la moindre situation, le déroulement de l’action est très, trrrrrèèèès lent, insupportablement lent… Les deux premières saisons couvrent à peine les trois ou quatre premiers tomes de la version comic. A croire que les producteurs économisent cent après cent de quoi payer les prochains décors… en attendant, nos héros moisissent chez Hershel, le fermier bigot. Lori pleure et Shane crache dans la poussière pour montrer (fort subtilement) qu’il n’est plus le chic type qu’il était, et le téléspectateur s’endort, rêve d’une bonne vieille attaque de rôdeurs pour secouer tout ça… en vain. Une fois les premiers épisodes de la seconde saison passés, non seulement il ne se passe plus rien, mais on n’espère plus rien, tout comme les personnages qui s’encroûtent paisiblement : quelques promenades dans la campagne environnante, pour retrouver –sait-on jamais ? – la pauvre petite Sophia perdue depuis des jours… mais puisque même sa mère préfère se la couler douce sous sa tente… une ou deux excursions dans le bourg voisin (Lori n’a plus de mouchoirs), une amusante opération d’extraction d’un mort-vivant hors d’un puit… la routine, quoi !
Les créateurs promettent un peu plus d’action dans la seconde partie de la saison. Espérons qu’il ne s’agisse pas d’un vœu pieux…
La fin de la seconde saison confirmera, ou pas, mes craintes ci-dessus exposées. Je resterai téléspectatrice, en bonne amatrice du genre, et aussi à cause des qualités indéniables de cette fiction : effets spéciaux époustouflants, très bons personnages secondaires… Je conserve également l’espoir de voir apparaître sur l’écran certains des plus angoissants épisodes lus dans la bande dessinée, convaincue qu’une bonne réalisation, et de judicieux choix narratifs, pourraient y apporter un nouvel éclairage. Wait and see…

5 commentaires:

  1. Si les premiers épisodes de la première saison restent surprenant (décors, ambiance, zombies) on se lasse vite: trop de lenteurs, un scénario sans intérêt.

    Les relations entre les personnages ainsi que leurs évolutions psychologiques sont l'un des intérêts majeurs du Comic. Elles ne sont même pas respectées dans la série.

    Dans le Comic, la violence est très présente mais elle n'est pas gratuite pour autant. Au contraire, dans la série, je la trouve gratuite. Elle sert uniquement à créer un peu de rythme.

    Il est compréhensible qu'une série ne soit pas forcément la copie conforme de l'oeuvre dont elle est inspirée. Mais dénaturer une histoire pour un faire un "truc" dénué d'intérêt, c'est fort dommage.

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  2. Et bien pareil que vous'aut', suivant le comics et l'appréciant (bien que me demandant si ça va finir un jour ou si le lecteur ne tourne pas à la vache à lait) j'ai regardé l'adaptation, bien qu'étant lente j'ai trouvé la première saison honnête et j'ai plutôt apprécié les changements dans le scénario. Mais ce début de 2e saison (je n'ai vu que les 3 premiers épisodes) est une purge, c'est lent, les personnages sont binaires, on s'inquiète à peine pour eux... Conclusion, je ne suis plus la série tv et attend le prochain comics (mais comme dit plus haut en espérant qu'il ne tire pas trop l'histoire en longueur).

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  3. Premier épisode de la seconde partie de la deuxième saison (arf !) : vu ! Malheureusement, il confirme mes craintes. On s'y ennuie sec, tout cela est farci d'événements inutiles, de dialogues interminables, d'épouvantables dilemmes corrrrrnéliens... les scénaristes semblent définitivement accros au valium. Personnellement, je préférais quand on leur distribuait de la cocaïne...

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  4. Ah tenez! Neuvième épisode: un peu d'action... Mais tellment de longueurs et de scènes inutiles...

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  5. j'en suis personnellement au 10ieme épisode de la saison deux de la série, et enfin y'as un petit peu d'action, je spoil pas mais je me demande quand même ce qui m'as fait perdre plusieurs heures à regarder la saison deux alors qu'elle est si vide...
    Hey bien, de mon avis personnel, je voit clairement un groupe de PJ (Personnages Joueurs)sur une table de JDR (Jeux de Rôles), avec un MJ (Maitre de Jeu) qui cherche quelques idées mais qui rame pas mal sans savoir où aller... et j'avoue qu'en tant que joueur, je suis excité par l'envie de savoir où ça me/nous mènera!!!

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