jeudi 8 janvier 2015

8 janvier 2015




Salut Charlie,

Excuse la familiarité du ton. C’est la première fois que je me permets d’écrire à un journal, et quand celui-là s’appelle Charlie, on a tout de même un peu de mal à donner du « vous ».

Nous sommes le matin du 8 janvier, « J+1 après le drame », titreraient sans doute tes collègues. Après tout, beaucoup d’entre eux ont affirmé que le 7 janvier 2015 resterait dans l’histoire. De mon côté, ce matin, j’avais juste envie de prendre des nouvelles. Et te demander si, par hasard, tu avais trouvé le courage (bon dieu, qu’il en faut !) de sortir de ton lit et d’ouvrir tes volets. Tu vas trouver ça bête, mais depuis que mon réveil a sonné, c’est à ça que je pense.

C’est peu dire que la journée d’hier a été atroce, douloureuse, traumatisante. J’ai essayé, en vain, de m’imaginer ta terreur et ton chagrin. Et le chagrin de toutes ces familles endeuillées qui pleurent aujourd’hui Cabu, et Wolinski, et Charb, et Tignous, et Honoré, et l’oncle Bernard, et les deux policiers qui ont tenté de faire leur boulot, Ahmed et Franck, et Frédéric, l’agent de maintenance, et les autres journalistes dont le nom n’a pas été révélé (si, ça a été fait depuis : Elsa, Mustapha, Michel). Découragée par l’ampleur de la tâche, je me suis concentrée égoïstement sur ma propre peine.

Mais, dans toute cette terreur, ce désespoir, toutes ces ténèbres qui se sont si brusquement abattues sur nous tous, il reste tout de même une bonne nouvelle. Si effroyable qu’ait pu être la journée du 7 janvier 2015, elle est à présent derrière toi. On pourra dire ce qu’on veut des massacres, à la fin, il reste toujours quelqu’un pour ouvrir les yeux, le jour d’après.

Allez, comme je suis sympa, je te laisse quelques jours. Après tout, Charlie, tu es un hebdo. Mais la semaine prochaine, fini le deuil, hein ? Je connais quelques milliers de personnes qui ont fait le boulot pour alimenter « les couvertures auxquelles vous avez échappé ». Ne va pas dire qu’on pense pas à toi.

Je te fais de grosses bises, Charlie,

Lauren


2 commentaires:

  1. Se réveiller en essayant de se convaincre que tout cela n'était qu'un terrible cauchemar... Quelle tristesse! Mais nous ne plieront pas face à l'obscurantisme! Je suis Charlie.

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